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1 mars 2015

E62 - Contempler pour la première fois de sa vie...

[Pour la première fois de sa vie]

Dans le sens de "Enfin, il trouvait sa voie", cette pseudo-expression, utilisée en milieu d'histoire, est à bannir absolument. Cela discrédite un personnage, le renvoyant à un stade de débutant éclairé, "enfin" sur le bon chemin, "enfin" on va pouvoir en faire quelque chose ... "enfin" lecteur tu va voir de quoi est capable celui qui tremble encore de se découvrir ... c'est certainement passionnant pour le personnage, sauf que cela ennuie le lecteur.

Cela fait partie des sphères de la contemplation qu'il faut savoir utiliser avec soin. Les romans d'aventure ne se permettent que peu de répit, ils manient action et transitions pour toujours emporter le lecteur dans un mouvement qui n'a pas de fin, au milieu du torrent, l'empêchant de lancer une main vers la berge, le convainquant que sa seule raison de vivre est de suivre le courant.

L'idée principale est donc : une fois un personnage mis en marche, le faire entrer dans une phase contemplative sur sa propre existence est un enjeu important. Si cet enjeu n'a rien à voir avec son évolution propre en rapport avec la trame de l'histoire en cours, on dira qu'il ouvre une porte. Or, refermer des portes peut demander du temps et l'avons-nous : ce temps ?

Avons-nous ce temps renvoit à l'efficacité de l'histoire. L'efficacité est difficile à achever dans une oeuvre qui se permettra d'ouvrir de nombreuses portes. On le voit dans les films, lorsque le héros se rappelle de choses qui l'ont marquées (l'expérience interdite par exemple) alors ces réminiscences modèlent la structure même de l'histoire, elles en sont un rouage principal.

Comme les "pour la première fois de sa vie" se mettent à toutes les sauces, prenons-en un au hasard : "pour la première fois de sa vie, on lui faisait confiance..." est-ce discréditant ? Oui et non. Cela introduit une note de confiance et "enfin" notre personnage va pouvoir oeuvrer les mains libres. Mais alors, ce lien qui le retenait n'est-ce pas cela qui faisait sa nature attachante ? Ne risque-t-on pas de le voir dériver vers une autre personnalité qui elle serait moins pourvue d'intérêt ? Et cette ancienne vie de forcat à l'âme torturée va-t-elle se retrouver enfouie au plus profond de cet être en reconstruction ? C'est à l'écrivain de décider. On se rend cependant bien compte qu'il y a un enjeu et que la personnalité du personnage se retrouve de fait bien plus complexe que celle esquissée au départ.

Les "pour la première fois de sa vie" introduisent cette note contemplative dont il faut avoir conscience. L'expression en elle-même est lourde, lourde de sens, et le lecteur pourrait ne pas être prêt à franchir ce pas ... aussi, certains lecteurs peu au fait de ces engagements littéraires pourraient y voir un constat naif. Dans tous les cas, les "pour la première fois de sa vie" ne sont pas innocents et cassent quelque chose, il faudra être prêt à payer le prix de cette évolution en devenir.

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