E74 - Explorer, jusqu'au bout !

Tout récit introduit des tonnes d'éléments : du guide de voyage cadré facon carte postale aux monologues raciniens en passant par les fléaux qui rongent la substance de l'humanité et j'en passe.

Ces éléments, qu'ils soient disposés en ligne ou repris dans une structure boule neige (cela mériterait un post), forment l'environnement, la trame, le drame ... en gros les noeuds qui soutiennent le récit.

Sauf que le récit, ce n'est pas faire un plan large du hamac, il faut y zoomer sur ses noeuds car aucun n'est identique à l'autre et ceux qui intéressent l'histoire doivent être détaillés jusqu'à leurs plus fins entrelacs.

Le conseil est donc: explorez, "mais alors" jusqu'au bout ! Ne détournez pas votre attention tant que votre détail n'aura pas pris une forme bien vivante. Certes, on comprends mieux à ce compte-là pourquoi certaines oeuvres font dans les 1000 pages ... ce n'est pas un hasard si Hugo avait besoin d'aurant de place pour ses Misérables, pourquoi Garcia Marquez en aura pris la moitié pour ses cent ans de solitude dont voici une phrase "Pourtant, dans l'impénétrable solitude de son arrière-vieillesse, elle bénéficia d'une telle clair-voyance pour examiner jusqu'aux plus insignifiantes péripéties de l'histoire de la famille, que, pour la première fois, elle put faire toute la lumière sur des vérités que ses occupations d'autrefois l'avaient empêchées de bien voir." (ce qui prend tout son sens lorsque l'on sait que la femme en question est aveugle).

Bien entendu, il y a détailler et détailler ... prendre 3 paragraphes pour examiner une moue, c'est bien, en placer 3 pages c'est un engagement pour tout le récit, il faut, comme pour beaucoup de choses, savoir jauger. Et quoi de mieux dans ce cas que de faire intervenir des éléments extérieurs, la recette est simple : dialogues, description, objet, description, souvenirs, description, ... lorsque ces éléments d'habillage que sont les dialogues, les objets et les souvenirs par exemple peuvent ne pas être liés entre eux, exemple:

"Elle vit une ombre passer dans la rue.

_ Tu crois qu'on aura le temps pour le cinéma ? demanda Josy

_ Oui, ... faut voir

De son étage, elle distinguait difficilement cette partie du trottoir.

_ Tiens. Josy lui tendit une vieille cassette. Je l'ai retrouvée dans la R5 avant de l'emmener à la casse.

C'était une vieille tape B, des extraits de concerts privés, qu'elle avait repiquée vingt ans auparavant sur un poste dans une colloc, alors en passage à Londres. Mince, ca datait.

Ses yeux se perdirent dans le flou si bien qu'elle ne prit plus garde et se pencha franchement à la fenêtre. Elle se rappelait les fous rires dans les couloirs, les soirées terminées au point du jour ... c'est alors qu'elle se sentit épiée. Lorsqu'elle réalisa qu'elle le dévisageait, elle reconnut celui qui braquait la voiture en contrebas. Lui aussi la connaissait, de vue tout du moins.

_ Qu'est-ce qu'il y a demanda Josy ?

_ Il y a un type en bas. Ne te penche pas, s'il te plaît, écoute moi !

_ Ca va, ... je t'écoute."