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27 janvier 2015

E53 - Savoir assassiner son héros

Selon la forme de l'histoire, il peut être utile de supprimer son héros. Ce n'est pas un acte à prendre à la légère, cela peut même devenir une marque de fabrique difficile à mettre en place où le lecteur se demandera : "comment l'auteur fera cette fois pour le supprimer ?"

Tout d'abord, qu'est-ce que cela veut dire : cela veut dire que l'histoire est vécue par un personnage important, si important qu'il gagne le qualificatif de héros. En ce sens, les faits voire les pensées de personnage rythment l'histoire. L'assassiner revient-il à jeter par la fenêtre l'investissement fait dans ce personnage, cela revient-il à avouer que ce n'était somme toute qu'un personnage poubelle, cela démontre-t-il un certain sens des réalités, cet acte entre-t-il dans une logique savamment préparée depuis le début ?

On se doit de se poser aussi d'autres questions : cette mort doit-elle être annoncée comme chez Marquez (Chroniques d'une mort annoncée) ? Doit-on au contraire tenter de surprendre le lecteur ? Veut-on, lors du déroulement des événements annoncer cette mort, la préparer ? Et qu'en est-il  de cette mort exactement : veut-on qu'elle soit lente et douloureuse, sadique, physique, morale (le héros se suicide), instantanée ?

On se rend compte qu'assassiner son héros est d'une importance "capitale", rien ne saurait être fait au hasard et les morts instantanées non annoncées auront tendance à décevoir le lecteur, car cette difficulté de bien la préparer est du ressort de l'écrivain et le lecteur lui fait confiance sur ce point, par exemple, pour une mort annoncée "Ah tiens, tu veux t'en débarasser ? Montre moi donc comment !" dira le lecteur sur le ton du défi.

Le plus important dans une histoire est le regard du lecteur sur cette histoire. Assassiner son héros sans raison gagnera sans doute sa désaprobation et, à moins d'avoir écrit un chef d'oeuvre, il vous en tiendra rancune.

Conseil : soit il faut annoncer cette mort très tôt (par exemple commencer son histoire par "Hervé ne se doutait pas qu'à la fin de cette journée il mourrait"), soit il faut que cette mort s'inscrive dans un processus qui guide inéluctablement à la mort. Quelle différence avec l'annonce demanderez-vous, dès lors qu'il semble que cette mort doive être préparée au fil de l'histoire ... la différence est que : dans le cas de l'annonce, elle apparait comme le but ultime de l'histoire, comme son paroxysme, le haut de la courbe de la tension narrative ; dans le second cas cette mort reste un élément de l'histoire - qui pourra également constituer le haut de la tension narrative - sans engager plus franchement l'écrivain : les éléments de l'histoire vont converger vers cette mort, il reste que cette mort ne devra pas nécessairement constituer le moment le plus fort du roman.

[Assassiner tous les héros]

Si votre plume se sent l'âme d'une ratureuse en série, il serait bien bête de tous les assassiner en même temps, autant utiliser vos héros jusqu'au bout. Certes, le roman "constellation" de Adrien Bosc a pour décors un avion qui va se crasher ... dans ce cas, pas trop le choix, à part les opérateurs au sol, les amis qui n'ont pas pris l'avion et les amoureux qui attendent les passagers depuis l'autre côté de sa destination ... il ne restera personne.

Prenez maintenant les films à deux francs six sous des productions holywoodiennes du genre "jeune et branché" et dont le pitch est "la mort ne peut être évitée" et où l'on trouve un groupe de jeunes gens sans grand talent d'acteur pour la plupart et que la mort va faucher -> ces films qui ne valent rien - il faut bien l'avouer, ce sont des navets - ont au moins pour bon principe de supprimer leurs héros les uns après les autres dans des circonstances différentes (bon, des fois il y a encore trop de héros à la fin et en moins de 5 minutes pas moins de 4 héros se feront faucher l'un par une voiture, le second électrocuté, le troisième panne de pacemaker et le quatrième en s'étouffant tranquillement dans son coin avec une arachide ... c'est minable, c'est sensé représenter le haut de la tension, mais sauf la musique et les cris cela ne cache pas un scénario baclé faute de budget et d'imagination).

[Interprétation]

Vous n'y couperez pas, assassiner son héros revient à déconstruire votre histoire. Avec plusieurs héros cela revient à revenir à un état où ceux qui sont morts manquent, et cela doit se ressentir entre autre dans le style.

Idée intéressante : faites de vos héros un élément de construction. Lorsqu'il disparait, cet élément disparait. Votre tour saura-t-elle ne pas s'effondrer ? Vous pouvez reprendre cette idée  sous de multiples formes et ainsi disposer d'une structure de fond solide.

[Conclusion]

Voilà qui n'est pas une affaire simple, qui engage beaucoup et devrait vous entrainer dans une réflexion pour que vous définissiez le véritable sens de cette mort. On peut "toujours" assassiner son héros, les raisons peuvent être d'ordre numérique, psychologique, structurel, sentimental, contractuelle, ... mais il faut trouver cette raison et surtout, surtout, surtout : exploiter "à fond" cette raison. Garcia Marquez a écrit un roman en annoncant une mort et en démontrant son caractère inéluctable, à vous de jouer !

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